Le masque de la vérité (pv)

Rafe ne jeta pas un regard à Mylène lorsqu'elle s'approcha du "gibier". Question de stratégie. Le Monsieur de l'Est ne devait pas être trop méfiant et s'il constatait que Mylène et lui se connaissait... Mais s'il évitait de la regarder, cela pouvait paraître tout aussi louche. Rafe choisit donc de ne pas lâcher le joueur des yeux, comme si rien d'autre ne l'intéressait que la partie.

Lorsque le jeune Monsieur de l'Est renouvela sa question, les lèvres de Rafe s'étirèrent en un sourire léger. Il s'accouda sur la table de jeu et appuya son menton sur ses mains jointes. Et il fixa le jeune homme d'un air mystérieux.

"Je ne souhaite pas mettre de l'argent en jeu."

Tous, autour de la table, étaient pendu à ses lèvres. De plus en plus de curieux s'approchant, sentant une partie sensationnelle à venir. Rafe attendit que sa phrase fasse son petit effet. On s'amuse comme on peut... Et la rumeur qui s'élevait doucement autour de la table, les bouches qui s'arrondissaient d'étonnement faisaient partie des choses qui amusaient Rafe. C'était à la fois inhabituel et tellement conventionnel... Typiquement mondain.

"Si vous me le permettez, je vous demanderai de mettre en jeu un peu de votre sang pour un Vampire de mes amis."

Le sourire de Rafe s'étira un peu plus tandis que la rumeur augmentait.

"En contre-partie, vous pouvez me demander absolument tout ce que vous voulez."

Des paroles bien dangereuse en temps normal. Mais la croupière était Sylia et quel intérêt aurait eu la partie si le Monsieur de l'Est était le seul à prendre réellement des risques?

Le frisson qui parcourut Mylène au contact léger des douces lèvres de sa proie sur sa main était volontairement surjoué : elle savait que l'inconnu serait d'une façon ou d'une autre touché par la sensiblité et la sensualité que ce mouvement "involontaire" dégageait.
Sans doute convaincu qu'il la séduisait en vérité plus qu'il n'était de mise pour une prostituée à la grande expérience comme Mylène, il serait flatté et se méfierait moins de la vampire, tout en étant capable de se révéler de plus en plus entreprenant.

*Ce que ces hommes peuvent se monter la tête lorsqu'ils s'imaginent nous faire de l'effet !*

Surtout que l'effet suscité chez Mylène par le geste galant était tout autre que celui escompté par le jeune homme de l'Est : le contact sensuel des lèvres porteuses de vie, de sang, avaient encore aiguisé l'appétit de la vampire.
De plus en plus pâle, elle se sentait également des forces moindres.
C'est donc tout naturellement qu'elle vint appuyer sa taille fine contre le buste de son futur calice...

"Dieu qu'il fait chaud, l'atmosphère est étouffante au coeur de cette foule : j'en aurais presque des vapeurs !", minauda-t-elle, sortant un délicat éventail de soie crème, noire et rouge qu'elle agita avec ostentation devant son fin visage.

Surjouer ainsi les évaporées, petites natures sensibles, délicates et facilement émues marchait souvent à la perfection. D'une, il est mondialement connu de la gente féminine que les hommes adorent avoir à protéger ces faibles créatures que sont les femmes, de deux, ce trait de caractère contrastait singulièrement et agréablement avec la condition de prostituée. Cela permettait donc aux clients de Mylène de profiter de ses services tout en ayant l'impression de lui en rendre un en retour : la protéger du dûr monde extérieur.

En fait, de ce point de vue, seul Rafe qui était véritablement Mylène Chiarakov. Rafe qui tenait l'asistance en haleine par l'incongruité de ses requêtes. En espérant que l'homme de l'Est ne fasse pas le lien entre le "vampire" et elle-même.

*Quoique. Je suis bien inutilement pudique. Il est sous le charme, me céder un peu de son héboglobine ne devrait pas le déranger, au contraire.*

Le cas échéant, elle pourrait toujours monnayer sa pitance par quelques droits en nature sur sa personne...
Droits qu'elle voulait que l'inconnu pense déjà avoir en partie ces droits, ou du moins l'assurance de quelque faveur.
C'est pourquoi elle accentua encore son appui sur son compagnon, qui, doucement, glissa une main sur sa hanche à la forme à la fois svelte et généreuse.

*A présent, quoi qu'il en pense, c'est moi qui l'ai sous ma coupe...*

Sylia sourit à l’enjeu que proposait Rafe. C’était bien ce qu’elle pensait. Elle était presque décidée à le faire gagner. Encore fallait-il attendre de voir que proposait le jeune monsieur de l’Est…

Les lèvres d’Andreas s’étirèrent en un sourire en coin, découvrant légèrement ses dents blanches. Un ami vampire, hein ? Et si c’était celle qui l’avait approché ? C’était forcément elle, Andreas ne croyait pas aux coïncidences. À présent, il s’agissait de donner son accord ou non. Et Andreas ne voyait pas de raison de refuser. Surtout si le vampire en question était la jeune femme qui venait de s’appuyer contre lui. Tandis que la demoiselle jouait à l’évaporée, Andreas en profitait pour glisser sa main sur sa hanche. La comédie que jouait la vampire aurait été crédible si sa peau glaciale ne trahissait pas sa nature. Mais Andreas ne fut pas vexé par le fait qu’elle essaie de le tourner en bourrique. Quelle importance ? Ce fut donc sans ironie qu’il parla :

« Ah ? Vos mains sont pourtant glaciales… »

Il adressa un sourire chaleureux à la demoiselle et revint à la partie.
Alors que sa main glissait doucement de la hanche à la cuisse de l’être immortel, Andreas réfléchissait à ce qu’il pouvait réclamer comme récompense s’il gagnait. Malheureusement, cette éventualité lui paraissait de moins en moins probable.

« J’accepte. Pour ma part, ce sera votre ami vampire qui me devra quelque chose si je gagne… »

Ce qu’Andreas ne dit pas, c’était qu’il s’arrangerais pour obtenir ce qu’il voulait, même s’il perdait…

« Faites vos jeux. » fit la croupière.

Andreas regarda la table de jeu. Le choix du chiffre et de la couleur n’importait plus vraiment pour cette partie. Mais il fallait bien le faire…

« Le 14 rouge. »

Andreas leva les yeux vers son adversaire, attendant qu’il choisisse son numéro.

Tout se déroulait comme prévu. Le joueur acceptait les conditions de Rafe. A présent, tout ne reposait que sur la bienveillante coopération de Sylia. Il jeta un œil à la croupière qui attendait patiemment le pari de Rafe. Sa gorge se serra, et un autre genre de stress l’envahit subitement. Et si Sylia se fichait éperdument de Rafe et de ses petits jeux superficiels pour offrir du sang à son ami ? Rafe, au fond, n’était qu’un idiot, sans profondeur, sans intérêt, après tout. Un de ces imbéciles, qui ne séduisait que par son minois et son argent. Qu’est-ce que c’était nul. Qu’est-ce que Rafe était nul… Alors que Sylia était fantastique, elle.

Mais tant pis. Rafe s’était engagé là-dedans, il n’avait plus qu’à continuer, maintenant. Et advienne que pourra…

« Bien. Je choisis donc le 24 noir… »

Une fois les jeux faits, tous les yeux de la tablée se fixèrent sur la croupière de génie du casino de la Wachzustand. La plupart d’entre eux se demandèrent qui avait choisi le bon numéro. Mais ceux qui connaissaient le talent de Sylia Berechnung se demandait plutôt qui la belle croupière favoriserait-elle…

L'inconnu avait deviné sa véritable nature, c'était à présent certain. Mais il semblait pleinement saisir ce qui se passait, et même tirer profit de la situation.
La preuve en fut lorsqu'il glissa sa main jusqu'à la cuisse de Mylène. La chaleur qui s'en dégageait excita encore la faim de la vampire, qui, pour tromper son monde, posa à son tour sa main sur celle de l'Homme de l'Est.

"Si mes mains sont si froides, c'est à cause de problèmes de circulation. Je ne sais pourquoi je vous le confie, mais cela fait des siièèèèèclesque cela me travaille. "

Tant qu'à faire dans l'humour déplacé et noir, autant poursuivre. Cela devenait un jeu de dupes qui n'était pas pour déplaire à Mylène.

Détournant son attention de l'inconnu qui prenait peu à peu "ses marques", Mylène suivit avec une anxiété difficilement dissimulée le cours du jeu.

« Les jeux sont faits. »

Sylia prit sa décision, fit tourner la roulette et lança la bille d’un geste précis, calculé au préalable.

« Rien ne va plus. »

Tandis que le bruit caractéristique de la roulette bourdonnait à ses oreilles, Sylia le va les yeux et observa la tablée. Ce moment-là était celui qu’elle préférait. Tout d’un coup, tous ces nobles, tous ces riches ne faisait plus attention à quoique ce soit d’autre qu’une petite bille qui roulait dans un jouet. Plus rien d’autre n’existait que la petite bille. Il n’y avait plus de clans, plus de guerres, plus de misère, plus d’attentats, plus d’autre pays, plus d’autre monde, plus rien d’autre que la petite bille.
Mais certaine personne savait faire abstraction de la pression du jeu. Le Monsieur de l’Est semblait faire partie de cela.

Tandis que tout le monde regardait la roue tourner en retenant son haleine, Andreas ne se gênait pas pour caresser la cuisse de sa nouvelle compagne.

« Vous avez des problèmes de circulations ? Si je pouvais vous soulager ne serait-ce que pour un court moment, ce serait avec un immense plaisir. » dit-il en lui décochant un regard langoureux.

La roulette ralentit, puis s’arrêta. La bille continua à tourner dans un bruit métallique continu. Et elle tomba enfin dans une encoche. Sylia regarda le chiffre gagnant, plus par conformisme que pour voir le résultat.

« 24, noir, pair et passe. »

Andreas avait perdu. Il avait perdu le jeu, mais il n’était pas sûr d’être perdant, au bout du compte. Il ne se départit pas de son sourire. Et puis une chose était claire à présent : la croupière avait un talent exceptionnel.

Rafe était satisfait. Il pouvait l’être pour trois raisons : il avait gagné, Mylène allait pouvoir se rassasier et Sylia l’avait aidé. Il y avait de quoi être content, non ? Oui, et Rafe fit même un petit sourire.

« J’ai gagné… Mylène, il est à toi. »

Voilà.

En fait, c’était tout. Le sentiment de satisfaction s’envola. Rafe se leva et quitta la table de jeu sans un mot. Il n’avait plus qu’à partir… Il pouvait aller se coucher, mais le lendemain serait alors trop proche. Alors, non, il n’allait pas se coucher. Il allait chercher un nouveau jeu, une nouvelle sorte de divertissement qui le rendrait assez heureux pour oublier sa peur du lendemain avant de s’endormir. Et il ne trouverait pas, comme toujours. Cela faisait trop longtemps qu’il ne pouvait plus s’endormir comme un bienheureux, qu’il n’avait pas connu une satisfaction durable.

Rafe se noya dans la foule. Peut-être que cette fois, il écourterait sa soirée…

Nichée dans les bras de son "protecteur", Mylène avait observé les manoeuvres de Sylia. Cette fille était décidément très forte...

A présent, grâce à la bienveillance de la croupière, la vampire allait pouvoir se rassasier, après des jours de diète.
A cette simple pensée, la tête lui tourna, et c'est plus pâle, dramatiquement élégante et précieuse à la fois que jamais qu'elle posa la tête contre la poitrine de l'homme venu de l'Est.
Pour la relever presque aussitôt d'un geste élégant, dégageant son visage d'une longue mèche noire et bouclée, révélant du même coup sa nuque gracile, à la blancheur bleutée, et délicatement pafumée.


Un sourire charmeur aux lèvres, elle glissa au jeune homme, faussement déçue :

"Ciel et diantre. Il semble que vous soyiez acculé mon ami. Reste à prendre connaissance du bénéficiaire de votre échec."

Glissant son index sous le menton de sa "victime", elle sussura de plus belle :

"Il faut croire de plus que ce soit là une tâche des plus périlleuses et désagréables dans laquelle vous vous êtes lancé bien malgré vous... Et comment allez-vous donc retrouver l'ami du jeune Rafe qui vous a si bien volé la mise ?"

Rafe... elle avait vu la sombre et frêle silhouette de son ami s'éloigner dans la foule... comment le remercier pour le cadeau qu'il venait de lui faire ?
Doucement, Mylène soupira.

L’étranger, qui avait perdu, et qui semblait très heureux que ce soit le cas (du moins, cette défaite ne paraissait pas entamer son enthousiasme), tourna toute son attention vers la charmante vampire à qui il allait bientôt servir de repas. Une seule chose le déconcerta : le départ rapide et discret du jeune homme qui l’avait défié. Il lui parut étrange qu’il ne souhaite pas récolter le fruit de sa bonne action envers le vampire. Mais après tout, il avait sans doute ses raisons.

Alors l’étranger décida d’oublier Rafe pour plutôt penser à la suite de la soirée qui s’annonçait plus intéressante encore que le début. Il se leva et attira Mylène à l’écart de la foule qui entourait la table de jeu. La prenant étroitement par le bras, il lui chuchota à l’oreille :

« Oui, vraiment je me demande comment je vais faire pour trouver cet ami vampire et payer ma dette. »

Il entraîna Mylène encore plus loin et la fit même sortir du casino de la Wachzustand. Ils pénétrèrent dans le hall d’entrée et passèrent devant la réception sans s’arrêter. L’étranger fit entrer Mylène dans l’ascenseur et ils montèrent au deuxième étage.

L’étranger profita de ce premier moment d’intimité pour ajouter :

« On ne m’a pas dit avec qui je devais traiter, mais je compte bien éclaircir le problème grâce à votre aide. »

Il adressa un sourire entendu à la vampire quand l’ascenseur stoppa son ascension en douceur. Les portes s’ouvrirent sur le palier du deuxième étage et l’étranger emmena Mylène jusque devant la porte d’une chambre. Il sortit les clefs de la poche de son costume avant de déverrouiller la porte et de faire entrer la vampire dans sa chambre.

Il referma la porte derrière lui.

[HJ : Fin du sujet. Désolée d’écourter si brusquement. Mais vu depuis combien de temps ce sujet traîne et vu le rythme de jeu actuel, je ne me serais pas sentie le courage de continuer encore. V_v’ ]