L'Empire de Jade

Où en sommes-nous ?


Tien l’Avisé est le père de l’Empire de Jade. Il l’a conquis et unifié, offrant à sa descendance un vaste territoire à contrôler, un peuple à nourrir et à contenter, un héritage spirituel de taille. Chaque Empereur est toujours un héros et un Dieu, un personnage fantastiquement puissant et sage sur lequel tout un peuple, tout un Empire peut s’appuyer. Qu’il tombe et nous tomberons tous. Il est le fondement même de l’Empire, il ne peut pas faillir, cela est impossible. Si Tien l’Avisé a su contrôler ce statut incroyable, beaucoup sont devenus fous sous le poids d’une telle responsabilité. C’est de cette façon que les plus grands drames de l’Empire ont eu lieu. Mais en tant que conseillère spirituelle de l’Empereur, je ne laisserai jamais une catastrophe s’abattre sur notre peuple, sur notre nation que Tien l’Avisé a regroupé avec tant de soin. Nous lui devons bien ça…

Tien l’Avisé est celui qui a théorisé les notions de Bien et de Mal. C’était un sage qui savait parfaitement bien que les deux voies avaient leur place sur cette Terre mais qu’elles ne pouvaient cohabiter chez une même personne. Tout en choisissant de suivre lui-même la voie de la Paume ouverte, le premier Empereur encourageait ses disciples à suivre leur propre voie, que ce soit celle-ci ou celle du Poing fermé.
Si Tien a conquis l’Empire, c’est donc pour le bien d’une nation, pas par soif de pouvoir. Toujours attentif au Panthéon céleste, il a cependant toujours su s’arrêter là où il fallait. Ainsi se termina sa conquête, au Nord. La dernière bataille opposa les Cavaliers du Nord aux Moines de l’Esprit, mobilisés par l’Empereur Tien et qui apportèrent leur soutien à l’Avisé de bon cœur. Les Moines furent victorieux et les derniers Cavaliers ne purent que fuir face à la puissance de notre armée. Mais sur le champ de bataille enneigé, comme la nuit tombait, une étoile filante parcourut le ciel et traça la frontière de l’Empire de Jade. Face à ce signe céleste de bon augure, Tien l’Avisé regroupa ses troupes et retourna à la Cité Impériale et les Moines de l’Esprit se retirèrent de nouveau dans leur Forteresse du Seuil.

Ainsi fut bâti un Empire qui ne bougea pas des siècles durant. Et il ne bougera pas plus aujourd’hui, j’en fais le serment.

Cependant, il y a cinq ans, trois de nos villages, isolés au Nord, ont été victimes de raid de Cavaliers. Peu de gens le savent, l’affaire a été soigneusement étouffée par mon frère. Pour l’instant, je l’approuve, il n’est pas encore temps d’affoler la population. Pour repousser les quelques Cavaliers qui se sont aventurés sur nos terres, Kai Lun, notre cousin, a détaché quelques bataillons de l’armée impériale. Ils ont connu quelques difficultés là-bas, mais ont fini par repousser les Cavaliers, ayant l’avantage du nombre. Mais ma conclusion de tout cela en a été effrayante : les Cavaliers se regroupent au Nord, notre frontière n’est pas assez protégée et nos soldats pas assez préparés. J’en ai fait part à mon frère Sun Yung. Il m’a écouté et a réfléchi. Et de cette réflexion il tira des conclusions : l’entraînement des soldats doit être plus poussé et la frontière doit être protégée efficacement. Mon frère a décidé un projet extraordinaire que j’ai peut-être approuvé un peu vite. L’idée de construire une immense muraille qui défendrait tout l’Empire m’a enchanté pour son aspect efficace et défensif, elle a enchanté mon frère pour la gloire qu’elle apportera à lui-même et la dynastie que formera sa descendance. La construction prendra des siècles, mais il est si rare qu’un Empereur prenne des décisions à si long terme que j’en étais heureuse. Le chantier de La Grande Muraille a commencé. Mais qui dit construction dit ouvrier. Et qui dit ouvrier, dit salaire, sans compter le coût des matières premières. Les caisses de l’Empire vont se vider trop vite. Construire une grande Muraille demande une quantité immense de petites mains. Et très peu d’ouvriers se sont portés volontaires pour se rendre au Nord. Aujourd’hui, j’essaie de me dire qu’aucun de nos problèmes actuels, de mes problèmes actuels ne seraient survenus si nos sujets avaient montré plus de fidélité à l’Empire même. Mais je ne peux m’empêcher de blâmer mon frère. Il ne peut pas laisser pareil fléau s’abattre sur l’Empire.

L’esclavagisme. Des sujets cupides ont vu comment profiter de cette situation délicate. Bien sûr, ils ont prétendu apporter une nouvelle forme de travail : des « promoteurs » s’ « occuperaient » d’ouvriers en récoltant les salaires de ces ouvriers et en les redistribuant. Bien sûr, les salaires sont bien plus faibles. Trop faibles pour que ce système puisse réellement fonctionner. Yung sait aussi bien que moi que les salaires ne sont pas redistribués, c’est de l’esclavagisme. Et aujourd’hui, de plus en plus de « promoteurs » ne s’embarrassent plus de ce système de salaire. Ils vendent leurs ouvriers comme du bétail. Où se fournissent-ils ? La réponse est très facile à trouver : les pirates sont de plus en plus gênants en ce moment et de plus en plus de disparitions sont répertoriées. Nos sujets sont attaqués, fait prisonniers et vendus à l’Empereur lui-même ! Ceci ne peut plus continuer !

Bien sûr, mon frère fait comme s’il ne se rendait pas compte de la situation. Mais ce n’est pas un idiot, il sait parfaitement quels sont les crimes qu’il fait. Depuis que ce drame a débuté, j’essaie de le dissuader, mais il refuse de m’écouter. Je ne sais plus quoi faire. Et notre cousin Kai Lun qui se meurt… L’armée impériale va se retrouver sans dirigeant. Le seul membre de la famille impériale qui peut hériter de ce haut poste est le fils de l’Empereur lui-même. Mais ce n’est qu’un garçon de quinze rêveur qui a tendance à fuir ses responsabilités sous le regard indulgent des adultes du Palais. Qui, enfin, s’occupera d’éduquer ce jeune homme pour qu’il puisse devenir un parfait stratège et un combattant hors du commun ? Moi ? J’ai l’impression que tout l’Empire est en train de me tomber sur les épaules…